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élargi, les problèmes insolubles sont devenus les plus intéressants de tous et d’autres problèmes se sont posés auxquels on n’avait pas songé. Pour les Grecs, une bonne solution était celle qui n’emploie que la règle et le compas ; ensuite, cela a été celle qu’on obtient par l’extraction de radicaux, puis celle où ne figurent que des fonctions algébriques ou logarithmiques. Les pessimistes se trouvaient ainsi toujours débordés, toujours forcés de reculer, de sorte qu’à présent je crois bien qu’il n’y en a plus.

Mon intention n’est donc pas de les combattre puisqu’ils sont morts ; nous savons bien que les mathématiques continueront à se développer, mais il s’agit de savoir dans quel sens. On me répondra « dans tous les sens » et cela est vrai en partie ; mais si cela était tout à fait vrai, cela deviendrait un peu effrayant. Nos richesses ne tarderaient pas à devenir encombrantes et leur accumulation produirait un fatras aussi impénétrable que l’était pour l’ignorant la vérité inconnue.

L’historien, le physicien lui-même, doivent faire un choix entre les faits ; le cerveau du savant, qui n’est qu’un coin de l’univers, ne pourra jamais contenir l’univers tout entier ; de sorte que, parmi les faits innombrables que la nature nous offre, il en est qu’on laissera de côté et d’autres qu’en retiendra. Il en est de même, a fortiori, en mathématiques ; le mathématicien, lui non plus, ne peut conserver pèle-mêle