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sur son cahier ; le mauvais élève y dessine des bonshommes ; mais ni l’un ni l’autre n’ont compris ; alors le professeur prend la craie et trace un cercle sur le tableau. « Ah ! pensent les élèves, que ne disait-il tout de suite : un cercle c’est un rond, nous aurions compris. » Sans doute, c’est le professeur qui a raison. La définition des élèves n’aurait rien valu, puisqu’elle n’aurait pu servir à aucune démonstration, et surtout puisqu’elle n’aurait pu leur donner la salutaire habitude d’analyser leurs conceptions. Mais il faudrait leur montrer qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils croient comprendre, les amener à se rendre compte de la grossièreté de leur concept primitif, à désirer d’eux-mêmes qu’on l’épure et le dégrossisse.

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Je reviendrai sur tous ces exemples ; j’ai voulu seulement vous montrer les deux conceptions opposées ; il y a entre elles un violent contraste. Ce contraste, l’histoire de la science nous l’explique. Si nous lisons un livre écrit il y a cinquante ans, la plupart des raisonnements que nous y trouverons nous sembleront dépourvus de rigueur.

On admettait à cette époque qu’une fonction continue ne peut changer de signe sans s’annuler ; on le démontre aujourd’hui. On admettait que les règles ordinaires du calcul sont applicables que nombres incommensurables, on le démontre aujourd’hui. On admettait bien d’autres choses qui quelquefois étaient fausses.