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avec la patte du coté opposé. Voilà bien cette double parade dont je parlais tout à l’heure, permettant de combattre un mal par un second remède, si le premier fait défaut. Et c’est cette multiplicité des parades, et la coordination qui en résulte, qui est l’espace.

On voit à quelle profondeur de l’inconscient il faut descendre pour trouver les premières traces de ces associations spatiales, puisque les parties les plus inférieures du système nerveux entrent seules en jeu. Comment s’étonner, dès lors, de la résistance que nous opposons à toute tentative faite pour dissocier ce qui depuis si longtemps est associé ? Or, c’est cette résistance même que nous appelons l’évidence des vérités géométriques ; cette évidence n’est autre chose que la répugnance que l’on éprouve à rompre avec de très vieilles habitudes, dont on s’est toujours bien trouvé.


III

L’espace ainsi créé n’est qu’un petit espace qui ne s’étend pas plus loin que ce que mon bras peut atteindre ; l’intervention de la mémoire est nécessaire pour en reculer les limites. Il y a des points qui resteront hors de ma portée, quelque effort que je fasse pour étendre la main ; si j’étais cloué au sol comme un polype hydraire, par exemple, qui ne peut qu’étendre ses tentacules, tous ces points seraient