Page:Poincaré - Leçons sur les hypothèses cosmogoniques, 1911.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
analyse de l’hypothèse de laplace

Le but de Laplace était de rendre compte de la faiblesse des excentricités et des inclinaisons, et du sens direct de tous les mouvements connus de son temps. Son hypothèse explique fort bien les deux premiers de ces phénomènes ainsi que le sens direct de toutes les révolutions des planètes. Quant aux rotations directes, elles sont, avons-nous dit, insuffisamment expliquées par Laplace ; mais nous avons pu en rendre compte d’une façon satisfaisante au moyen de l’effet produit par les marées solaires sur les nébuleuses planétaires (mécanisme qui n’avait pas échappé à Laplace en ce qui concerne la Lune). La marée solaire étant très faible pour les planètes les plus extérieures, nous répondons du même coup à l’objection qu’on pourrait tirer des mouvements rétrogrades des systèmes d’Uranus et de Neptune.

54.On a aussi objecté à la théorie de Laplace l’énormité du temps nécessaire à la transformation d’un anneau en une masse planétaire unique. Un anneau devenu instable s’est rompu en plusieurs masses sphéroïdiques qui, d’après Laplace, ont dû se réunir en une seule. Or, M. Kirkwood a fait remarquer que cette réunion exigerait un temps considérable. Si les fragments de l’anneau étaient distribués à peu près régulièrement le long de l’orbite, leurs actions perturbatrices se détruiraient à très peu de chose près, et on ne pourrait invoquer en faveur de la réunion des morceaux un peu éloignés que la différence de leurs vitesses de révolution. Or, considérant deux fragments de l’anneau de Neptune distants de 180° en longitude, et dont les distances au Soleil différeraient de 1 000 milles, M. Kirkwood calcule que leur jonction ne se ferait qu’au bout de 150 millions d’années. Pendant ce temps les masses se seraient refroidies et encroûtées, et cette durée semble beaucoup trop considérable, étant donné l’âge que la Thermodynamique permet d’assigner au système planétaire. Pour échapper à cette grave difficulté, M. Kirkwood propose d’admettre que les planètes ont été projetées par des espèces d’éruptions solaires : elles seraient en quelque sorte assimilables à d’anciennes protubérances que le Soleil aurait comme oubliées en se contractant. Mais dans cette supposition, on ne trouve aucune raison pour expliquer la faible excentricité des orbites. D’ailleurs nous n’avons aucune espèce d’idée du temps qui a pu être nécessaire pour la formation du système solaire. Il est possible, il est probable même que 150 millions