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hypothèses cosmogoniques

égale à celle que possède un point de l’équateur de Saturne en vertu de sa rotation, il suffira de calculer la durée de sa révolution au moyen de celle d’un des satellites, pour avoir la durée de la rotation de la planète. On trouve ainsi 6h25m52s. » (p. 143-144)

Sans nous arrêter à ce chiffre beaucoup trop faible, disons que Kant fait ensuite quelques réflexions intéressantes sur la stabilité de anneau de Saturne. Il le considère comme formé de particules tournant indépendamment les unes des autres autour de la planète, selon la troisième loi de Képler ; et il pense que, dans l’anneau se produisent « des lignes de rupture qui le divisent en anneaux concentriques isolés l’un de l’autre. » (p. 154.) Cette idée est d’autant plus remarquable que Kant ne connaissait pas la grande division de Cassini.

Enfin, si, parmi les planètes, Saturne est la seule qui possède un anneau, c’est, d’après Kant, parce que sa densité est faible et sa rotation très rapide. Il s’ensuit que le rapport de la force centrifuge à la gravité est plus grand pour Saturne que pour les autres planètes.

5.Les comètes, selon Kant, ont une origine analogue à celle des planètes. Dans un chapitre assez confus, il s’efforce de montrer qu’elles ont dû se former à de grandes distances du Soleil, et, d’après ses idées, l’orbite d’un astre doit s’éloigner doutant plus de la forme circulaire que l’astre s’est formé plus loin du Soleil. Le sens du mouvement des comètes devrait être, en général, le même que celui des planètes, c’est-à-dire direct ; et si, de son temps, on connaissait dix-neuf comètes rétrogrades, Kant fut porté à en attribuer au moins quelques-unes à une illusion d’optique.

6.Tels sont les traits principaux de la Cosmogonie de Kant. On voit qu’il eut l’idée d’attribuer une commune origine au Soleil et à toutes les planètes. Il fit même, à ce sujet, une curieuse remarque : si le Soleil et les planètes sont formés des mêmes éléments, la densité moyenne de celles-ci doit être égale à celle du Soleil ; or, adoptant les nombres de Buffon, Kant trouve que le rapport de ces densités est celui de 64 à 65, coïncidence assez curieuse. Malheureusement, ses affirmations sont trop souvent en contradiction avec les principes de la Mécanique.