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hypothèses cosmogoniques

199.Reprenons la comparaison de la Voie lactée avec une masse gazeuse. Si cette comparaison était tout-à-fait exacte, les vitesses des molécules. c’est-à-dire des étoiles, devraient être distribuées conformément à la loi de Maxwell : par suite, dans une région quelconque du Ciel, les mouvements propres des étoiles qui peuplent cette région devraient nous paraître dirigés indifféremment dans tous les sens d’une façon parfaitement irrégulière (abstraction faite d’une même composante due au mouvement de translation du système solaire vers l’apex). Or, ce n’est pas ce qui arrive : les mouvements propres des étoiles d’une même région ont une tendance marquée à marcher dans deux directions différentes. M. Kapteyn conclut de cette observation qu’il existe deux essaims d’étoiles, deux courants, ayant chacun une translation d’ensemble déterminée et se pénétrant mutuellement : à chacun de ces deux essaims, pris séparément, la loi de Maxwell s’appliquerait ; mais les deux courants paraissent s’ignorer l’un l’autre. On peut les comparer à deux jets gazeux de directions différentes qui viennent à se rencontrer. Ces deux jets ne se mélangent pas tout de suite : au début, les molécules des deux espèces de gaz n’ont pas même vitesse moyenne ; mais, au bout de peu de temps, les deux jets gazeux se mélangent et ne forment plus qu’une seule masse. Si les deux courants d’étoiles qui constituent la Voie lactée sont restés distincts, c’est qu’ils n’ont pas encore eu le temps de se confondre en un seul : le temps nécessaire à ce mélange, excessivement court pour les deux jets gazeux, est au contraire énorme pour les courants d’étoiles, parce que, pour ces courants, le « parcours moyen » est très grand et les « chocs » très rares ; or, ce sont les chocs entre molécules gazeuses qui amènent le mélange des deux jets. La Voie lactée n’aurait donc pas encore atteint cet état d’équilibre statistique qui permettrait de l’assimiler à un gaz.

Dans la théorie des gaz, la loi de Maxwell assigne aux molécules les plus grosses les plus faibles vitesses, et aux molécules les plus petites les plus grandes vitesses. Les étoiles les plus petites devraient donc offrir les plus forts mouvements propres. En particulier, les météorites, qui sont des astres très petits, devraient posséder des vitesses énormes ; or, les bolides ont bien en général des vitesses hyperboliques, mais ces vitesses sont presque toujours peu supérieures à la vitesse parabolique ; il faut donc conclure que les météorites n’ont pas encore eu le temps de prendre ces vitesses énormes que leur