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hypothèses cosmogoniques

pérature du Soleil par suite de cette perte de chaleur, à supposer que cette chaleur ne se renouvelle pas. Il suffirait de diviser le chiffre précédent 2,7.1020 la masse du Soleil en kilogrammes 1,9.1020 : on trouverait ainsi 1°4 comme taux actuel du refroidissement annuel. Or, la température actuelle du Soleil d’après les mesures les plus récentes, est généralement évaluée à 6 000° environ. Donc, si la chaleur solaire ne se renouvelait pas par quelque procédé, nous arriverions à cette conclusion qu’avant 6 000 ans d’ici le Soleil serait gelé. Mais il faut observer que la température de 6 000° est celle de la photosphère du Soleil, et tout nous porte à croire que l’intérieur de l’astre est incomparablement plus chaud, la température augmentant rapidement avec la profondeur. La photosphère serait donc maintenue à une température voisine de 6 000° par des courants de convection qui lui amèneraient constamment de la chaleur empruntée aux couches plus profondes et plus chaudes de façon à compenser les pertes dues au rayonnement. La chaleur rayonnée serait donc, en dernière analyse, prise à la masse solaire interne, et ce serait l’intérieur du Soleil qui verrait sa température s’abaisser.

Quoi qu’il en soit, le Soleil ne contient pas une provision de chaleur indéfinie et il perd annuellement une quantité de chaleur considérable. La plus grande partie de cette chaleur se dissipe dans l’espace céleste et est entièrement perdue. Ce n’est qu’une très faible portion de l’énergie rayonnée qui est reçue et utilisée par les planètes. Ne pourrait-on pas supposer que le rayonnement ne peut se faire qu’entre doux corps matériels différents, et que, par conséquent, dans les directions où l’on ne rencontre aucune matière pondérable, il ne se produit pas de rayonnement ? Dans celle hypothèse, un corps absolument seul dans l’espace ne rayonnerait pas, ne trouvant aucun autre corps avec lequel il puisse échanger son énergie. Le Soleil ne rayonnant que dans les directions des planètes ne perdrait pas beaucoup d’énergie. Cette hypothèse permettrait donc de prolonger énormément, dans le passé comme dans l’avenir, la durée d’existence du Soleil en tant que source de chaleur. Malheureusement, malgré son ingéniosité, cette hypothèse est à rejeter, car au moment où l’énergie quitte le Soleil, elle ne peut évidemment pas deviner si elle rencontrera ou non une planète.

Force nous est donc d’admettre que la chaleur solaire se dissipe, dans tous les sens. Puisque ce rayonnement s’est effectué sans très