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xxi
préface

les corps légers, c’est elle qui forme les queues des comètes dont la matière très ténue est repoussée par la lumière du Soleil. C’est elle aussi qui, d’après M. Arrhenius, chasserait du Soleil de très petites particules, et les pousserait jusque sur la Terre, jusqu’aux planètes et jusqu’aux lointaines nébuleuses. Ces particules finiraient par s’agglutiner en formant les météorites ; et ces météorites, pénétrant dans la masse des nébuleuses, deviendraient des centres de condensation autour desquels la matière commencerait à se concentrer ; nous retrouvons ensuite toute l’histoire des étoiles, leur naissance presque obscure, leur splendeur, leur décadence aboutissant à l’encroûtement final. Cet encroûtement ne serait pas toutefois la mort définitive ; mais seulement le début d’une longue période de vie latente, obscure et silencieuse jusqu’au jour où un choc libérerait brusquement cette énergie endormie. L’explosion qui en résulterait donnerait naissance à une nébuleuse et le cycle recommencerait.

La vie latente doit être beaucoup plus longue que la vie brillante ; d’où il suit qu’il doit y avoir beaucoup plus d’étoiles obscures que d’étoiles visibles, contrairement aux vues de Lord Kelvin.

Pour M. Arrhenius, le monde est infini et les astres y sont distribués d’une façon sensiblement uniforme ; si nos télescopes semblent assigner des limites à l’Univers, c’est parce qu’ils sont trop faibles, et que la lumière qui nous vient des soleils les plus éloignés est absorbée en route. On a fait à cette hypothèse une double objection. D’une part, si la densité des étoiles est constante dans tout l’espace, leur lumière totalisée devrait donner au Ciel entier l’éclat même du Soleil. Cela serait vrai si le vide interstellaire laissait passer toute la lumière qui le traverse sans en rien garder, de sorte que l’éclat apparent d’un astre varierait en raison inverse du carré de la distance. Il suffit, pour échapper à cette difficulté, de supposer que le milieu qui sépare les étoiles est absorbant ; il peut d’ailleurs l’être très peu. L’autre objection, c’est que l’attraction newtonienne serait infinie ou indéterminée ; pour nous tirer d’affaire, il nous faut alors supposer que la loi de Newton n’est pas