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préface

brillante ; ou est-ce quelque déchet qu’elle rejette de son sein et comme la fumée de l’explosion. De tout cela nous ne savons rien.

Le mystère s’accroît quand au lieu de considérer chaque étoile en particulier, on en envisage l’ensemble et qu’on réfléchit sur leurs mutuels rapports. Les étoiles ont-elles pris naissance en même temps, ou s’allument-elles successivement, pendant que d’autres s’éloignent ? Si elles ont même date de naissance, les unes ont-elles vieilli plus vite que les autres, et est-ce pour cette raison qu’elles sont aujourd’hui différentes ? Mais alors à côté des étoiles, brillantes, n’y a-t-il pas, en beaucoup plus grand nombre, des étoiles éteintes dont la masse inutile encombre les cieux ? Comment pouvons-nous le savoir ? Peut-être les considérations suivantes, dont la première idée est due à Lord Kelvin, peuvent-elles aider à résoudre la question. La Voie Lactée est formée d’étoiles fort nombreuses, s’attirant mutuellement et se mouvant dans tous les sens ; elle nous offre donc l’image d’un gaz, dont les molécules s’attirent et sont animées de vitesses dans les directions les plus diverses ; chaque étoile joue ainsi le rôle d’une molécule gazeuse. Cette assimilation semble légitime et l’on peut songer à étendre à l’univers stellaire les résultats de la théorie cinétique des gaz. Un gaz soumis à l’attraction newtonienne prendra au bout de peu de temps un état d’équilibre adiabatique où les vitesses moléculaires obéiront à la loi de Maxwell et où la température croîtra vers le centre ; la température centrale dépendra de la masse totale du gaz et de son volume total. Cette température est mesurée par les vitesses moléculaires. Appliquons ces principes à la Voie Lactée ; les vitesses stellaires que nous observons appartiennent aux astres voisins de nous et par conséquent du centre de la Voie Lactée ; elles correspondent donc à la « température centrale », et elles peuvent nous renseigner sur les dimensions et sur la masse totale de cette agglomération d’étoiles assimilée à une énorme bulle gazeuse. On trouve ainsi que le télescope en a presque atteint les limites, extrêmes, et qu’il doit y avoir peu d’étoiles obscures ; si en effet il y en avait beaucoup plus que d’astres brillants, elles concour-