Page:Poincaré - Leçons sur les hypothèses cosmogoniques, 1911.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
hypothèses cosmogoniques

frappant. M. du Ligondès remplit l’espace de projectiles qui le sillonnent en tous sens. Les chocs de ces projectiles produisent l’évolution du chaos, sa transformation en un système planétaire bien ordonné. Dans la théorie cinétique, les molécules des gaz sont de même assimilées à des boulets se croisant dans toutes les directions, mais leurs chocs, au lieu d’amener une différenciation, produisent au contraire l’homogénéité parfaite de la masse gazeuse. Nous sommes donc, semble-t-il, devant un paradoxe[1], puisque des prémisses en apparence identiques conduisent, ici et là, à des conséquences diamétralement opposées. En réalité, dans les deux cas, le second principe de la thermodynamique (Principe de Carnot-Clausius, ou de dégradation de l’énergie) trouve son application, mais de deux façons différentes. En effet, les prémisses, quoi qu’il paraisse tout d’abord, ne sont nullement les mêmes : les projectiles de la théorie des gaz sont supposés parfaitement élastiques, tandis que les projectiles cosmiques de M. du Ligondès sont plutôt mous. Aussi, au moment du choc, deux molécules gazeuses rebondissent l’une sur l’autre comme deux balles élastiques, sans perte de force vive ; tandis que deux projectiles cosmiques qui se heurtent se collent ensemble avec dégagement de chaleur, et par suite avec perte de force vive. Différence de nature des projectiles, voilà la vraie cause de l’apparent paradoxe que nous signalions.

Mais il convient d’insister et de pousser plus loin ce parallèle entre la théorie cinétique des gaz et la Cosmogonie de M. du Ligondès.

74.Théorème du viriel. — Considérons un système mécanique formé d’un grand nombre de points matériels. Soient la masse de l’un d’eux, ses coordonnées, les composantes de la force qui agit sur lui. On a

  1. Nous avons déjà signalé ce point, à propos de l’hypothèse de Kant (Ch. I, no 1, p. 2).