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hypothèses cosmogoniques

« Nous ne faisons aucune hypothèse sue la nature de ces mouvements ; nous les abandonnons entièrement à ce qu’on est convenu d’appeler le hasard. C’est en cela que l’hypothèse dont nous allons développer les conséquences diffère essentiellement de toutes celles qui ont été émises jusqu’ici ; c’est ce qui lui donne un caractère de vraisemblance et de généralité qui doit, a priori, la faire préférer à toute autre. L’hypothèse de Kant, malgré son apparente simplicité, est moins générale que la nôtre, puisque la matière y est primitivement en repos ; le repos n’est qu’un cas particulier du mouvement. » (p. 15.)

68.Examinons maintenant comment M. du Ligondès fait, d’un des lambeaux chaotiques, naître le système solaire.

Observons tout de suite — c’est là un point capital — que M. du Ligondès n’est pas en contradiction avec le principe des aires, comme l’était M. Kant qui supposait sa nébuleuse initiale partant du repos. Les projectiles dont se compose le lambeau ont leurs vitesses distribuées au hasard. Considérons alors les vecteurs qui représentent le moment de la quantité de mouvement de chacun de ces projectiles par rapport au centre de gravité du lambeau : ces vecteurs seront orientés dans tous les sens et auront des grandeurs diverses ; et, puisque le mouvement est supposé complètement désordonné, la somme géométrique de tous ces vecteurs sera très petite par rapport à leur somme arithmétique, c’est-à-dire par rapport à ce qu’elle serait si tous ces vecteurs avaient même direction ; mais en général elle ne sera pas nulle. Or, cette somme géométrique, c’est précisément le moment de rotation total du système, moment qui doit demeurer constant à partir de l’instant où le lambeau considéré est suffisamment séparé des autres pour pouvoir être regardé comme isolé. Il n’y a donc, a priori, aucune contradiction à faire sortir le système solaire d’un pareil lambeau nébuleux chaotique.

69.Cherchons à nous faire une idée de la somme géométrique et de la somme arithmétique des vecteurs dont nous venons de parler, et du rapport de ces deux sommes. La somme géométrique, nous la connaissons, c’est le moment de rotation actuel du système solaire. Pour essayer d’évaluer grossièrement la somme arithmétique, assimilons la nébuleuse chaotique initiale à une sphère homogène ayant une masse égale à la masse totale du système solaire, et un rayon