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CHAPITRE v.

HYPOTHÈSE DE M. DU LIGONDÈS.[1]


67.Le point très original de la théorie de M. du Ligondès consiste dans l’idée qu’il se fait du chaos primitif :

« À l’origine l’Univers se réduisait à un chaos général extrêmement rare, formé d’éléments divers mus en tous sens et soumis à leurs attractions mutuelles…

« Ce chaos s’est partagé en lambeaux qui ont donné naissance, par voie de condensation progressive, à tous les Mondes de l’Univers. » (Formation mécanique du système du Monde, p. 14.)

Nous sommes loin, on le voit, de la nébuleuse de Laplace qui tournait tout d’une pièce avec une vitesse de rotation bien uniforme. Les tourbillons et gyrations intestines dont Faye dotait sa nébuleuse primitive sont aussi supprimés. Nous sommes, en quelque sorte, « revenus aux idées de Kant, avec le mouvement en plus, non pas le mouvement régulier de la rotation ou des tourbillons, mais le mouvement sans ordre apparent. » (p. 14.)

Nous devons donc nous représenter l’un quelconque des lambeaux nébuleux en lesquels le chaos initial s’est partagé, par suite de la tendance de toutes les molécules à se porter vers les régions les plus denses, comme formé par un très grand nombre de masses séparées, s’attirant les unes les autres, se mouvant en tous sens et pouvant arriver à se choquer de temps à autre. Les vitesses de tous ces projectiles ne sont soumises à aucune loi : la seule loi sera celle des grands nombres :

  1. Lieutenant-Colonel M. du Ligondès : Formation mécanique du système du Monde (Paris, Gauthier-Villars, 1897).