Page:Poincaré - La mécanique nouvelle, 1923.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la lumière ; par exemple, B sera animé d’une vitesse de 200.000 kilomètres vers la droite, A de 200.000 vers la gauche. A peut se croire au repos et la vitesse apparente de B sera, pour lui, 400.000 kilomètres. Ou bien, au contraire, A peut croire que B est au repos, et que c’est lui A qui se déplace avec une vitesse de 400.000 kilomètres. Si A connaît la mécanique nouvelle, il se dira: B a une vitesse qu’il ne peut atteindre. C’est donc que, moi aussi, je suis en mouvement. Ou même, sans savoir la nouvelle mécanique, il pourrait dire : mais si je m’éloignais de B avec une vitesse supérieure à celle de la lumière, les rayons émanés de B ne pourraient m’atteindre, je ne pourrais le voir ; or, je le vois, donc B n’est pas en repos. Il semble donc qu’il pourrait décider de sa situation absolue. Mais il faudrait qu’il puisse observer le mouvement de B lui-même. Or, comment les choses se passent-elles avec la mécanique nouvelle ?

Pour faire cette observation, A et B commencent par régler leurs montres, puis B envoie à A des télégrammes pour lui indiquer ses positions successives ; en les réunissant, A peut se rendre compte du mouvement de B et tracer la courbe de ce mouvement. Or les signaux se propagent avec la vitesse de la lumière ; les montres qui marquent le temps apparent varient à chaque instant et tout se passera comme si la montre de B avançait. B croira aller beaucoup moins vite et la vitesse apparente qu’il aura relativement à A ne dépassera pas la limite qu’elle ne doit pas atteindre. Rien ne pourra révéler à A s’il est en mouvement ou en repos absolu.

Il faut encore faire une autre hypothèse beaucoup plus surprenante, beaucoup plus difficile à admettre, qui gêne beaucoup nos habitudes actuelles. Un corps, en mouvement de translation, subit une déformation dans le sens même où il se déplace ; une sphère, par exemple, devient comme une espèce d’ellipsoïde aplati dont le petit axe serait parallèle à la translation. Si l’on ne s’aperçoit pas tous les jours d’une transformation pareille, c’est qu’elle est d’une petitesse qui la rend presque imperceptible. La Terre, emportée dans sa révolution sur son orbite, se déforme environ de 1/200.000.000 : pour observer un pareil phénomène, il faudrait donc des instruments de mesure d’une précision extrême ; mais, leur précision serait-elle infinie qu’on n’en serait pas plus avancé, car, emportés eux aussi dans le mouvement, ils subissent la même déformation. On ne s’apercevra de rien ; le mètre que l’on pourrait employer deviendra plus court, comme la longueur qu’