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que pour des vitesses tout à fait énormes ; sans quoi cette divergence aurait été remarquée depuis longtemps par les expérimentateurs. Or, sous le rapport de la vitesse, on a fait depuis quelque temps des progrès considérables. Vous croyez peut-être que je veux faire allusion aux merveilles de l’automobilisme ; eh bien, pas du tout ; les automobiles font quelquefois du 100 à l’heure mais, au point de vue qui nous occupe, c’est une vraie vitesse d’escargot. Depuis longtemps nous avons mieux que cela, nous avons les corps célestes ; le plus rapide d’entre eux est Mercure, il fait aussi du 100, non pas à l’heure, mais à la seconde. Malheureusement c’est encore insuffisant. Je ne parle pas non plus de nos pauvres boulets de canon qui ne font pas même un kilomètre par seconde.

Seulement, depuis quelque temps, nous avons une artillerie dont les projectiles sont beaucoup plus rapides. Je veux parler du radium, on a découvert que les effets étonnants de ce corps sont dus à ce qu’il émet dans tous les sens des particules extraordinairement [171] ténues qui constituent un véritable bombardement. Si nous comparons cette artillerie à celle des armées européennes, nous voyons que la rapidité du tir est beaucoup plus grande ainsi que la vitesse initiale des obus ; malheureusement le calibre est beaucoup trop petit et c’est pourquoi aucune puissance ne songe à l’adopter.

Cette vitesse initiale est le dixième ou le tiers de celle de la lumière : 30.000 ou 100.000 kilomètres par seconde ; elle laisse donc loin derrière elle celle des planètes les plus rapides et elle commence à être assez grande pour que les divergences entre la mécanique ancienne et la mécanique nouvelle puissent être mises en évidence.

Comment peut-on maintenant expérimenter sur des projectiles aussi rapides. Il me faut d’abord rappeler que le radium émet trois sortes de rayons, appelés α, β et γ ; les rayons α sont beaucoup trop lents pour notre objet ; les rayons γ analogues aux rayons X ne peuvent pas non plus convenir. Il faut s’adresser aux rayons β analogues aux rayons cathodiques. Les projectiles correspondants en effet sont chargés, non pas de mélinite comme nos obus, mais d’électricité ; cela est hors de doute, puisqu’en soumettant un cylindre de Faraday pendant un certain temps à ce bombardement, on constate qu’il s’électrise. Qu’en résulte-t-il ? Si ces rayons traversent un champ électrique, ce champ agira sur leur charge et déviera le rayon ; la trajectoire sera d’autant plus tendue que la force vive du projectile sera