Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
L’INTUITION ET LA LOGIQUE EN MATHÉMATIQUES

Croira-t-on, d’autre part, qu’ils ont toujours marché pas à pas sans avoir la vision du but qu’ils voulaient atteindre ? Il a bien fallu qu’ils devinassent le chemin qui y conduisait, et pour cela ils ont eu besoin d’un guide.

Ce guide, c’est d’abord l’analogie.

Par exemple, un des raisonnements chers aux analystes est celui qui est fondé sur l’emploi des fonctions majorantes. On sait qu’il a déjà servi à résoudre une foule de problèmes ; en quoi consiste alors le rôle de l’inventeur qui veut l’appliquer à un problème nouveau ? Il faut d’abord qu’il reconnaisse l’analogie de cette question avec celles qui ont déjà été résolues par cette méthode ; il faut ensuite qu’il aperçoive en quoi cette nouvelle question diffère des autres, et qu’il en déduise les modifications qu’il est nécessaire d’apporter à la méthode.

Mais comment aperçoit-on ces analogies et ces différences ?

Dans l’exemple que je viens de citer, elles sont presque toujours évidentes, mais j’aurais pu en trouver d’autres où elles auraient été beaucoup plus cachées ; souvent il faut pour les découvrir une perspicacité peu commune.

Les analystes, pour ne pas laisser échapper ces analogies cachées, c’est-à-dire pour pouvoir être inventeurs, doivent, sans le secours des sens et de