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LA VALEUR DE LA SCIENCE

la conformité avec votre idée intuitive, répond bien à votre définition nouvelle. C’est alors seulement que vous pourrez affirmer qu’il jouit de la propriété en question. Vous n’avez fait que déplacer la difficulté. »

Cela n’est pas exact ; on n’a pas déplacé la difficulté, on l’a divisée. La proposition qu’il s’agissait d’établir se composait en réalité de deux vérités différentes, mais que l’on n’avait pas distinguées tout d’abord. La première était une vérité mathématique et elle est maintenant rigoureusement établie. La seconde était une vérité expérimentale. L’expérience seule peut nous apprendre que tel objet réel et concret répond ou ne répond pas à telle définition abstraite. Cette seconde vérité n’est pas démontrée mathématiquement, mais elle ne peut pas l’être, pas plus que ne peuvent l’être les lois empiriques des Sciences physiques et naturelles. Il serait déraisonnable de demander davantage.

Eh bien ! n’est-ce pas un grand progrès d’avoir distingué ce qu’on avait longtemps confondu à tort ?

Est-ce à dire qu’il n’y a rien à retenir de cette objection des philosophes ? Ce n’est pas cela que je veux dire ; en devenant rigoureuse, la Science mathématique prend un caractère artificiel qui frappera tout le monde ; elle oublie ses origines