Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
LA VALEUR DE LA SCIENCE

n’est pas libre, de sorte que la loi ne pourra jamais être en défaut.

Il est clair que si les lois se réduisaient à cela, elles ne pourraient servir à prédire ; elles ne pourraient donc servir à rien, ni comme moyen de connaissance, ni comme principe d’action.

Quand je dis : le phosphore fond à 44°, je veux dire par là : tout corps qui jouit de telle ou telle propriété (à savoir de toutes les propriétés du phosphore, sauf le point de fusion) fond à 44°. Entendue ainsi, ma proposition est bien une loi, et cette loi pourra m’être utile, car si je rencontre un corps jouissant de ces propriétés, je pourrai prédire qu’il fondra à 44°.

Sans doute, on pourra découvrir que la loi est fausse. On lira alors dans les traités de chimie : « il existe deux corps que les chimistes ont longtemps confondus sous le nom de phosphore ; ces deux corps ne diffèrent que par leur point de fusion ». Ce ne serait évidemment pas la première fois que les chimistes en arriveraient à séparer deux corps qu’ils n’auraient d’abord pas su distinguer ; tels par exemple le néodyme et le praséodyme, longtemps confondus sous le nom de didyme.

Je ne crois pas que les chimistes redoutent beaucoup que pareille mésaventure arrive jamais au phosphore. Et si par impossible elle arrivait,