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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

résultat contraire ? Toute géométrie serait-elle ainsi devenue impossible ? pas le moins du monde : nous nous serions bornés à conclure que le toucher peut s’exercer à distance.

Quand je dis, le toucher ne s’exerce pas à distance, mais la vue s’exerce à distance, cette assertion n’a qu’un sens qui est le suivant. Pour reconnaître si B occupe à l’instant β, le point occupé par A à l’instant α, je puis me servir d’une foule de critères différents ; dans l’un intervient mon œil, dans l’autre mon premier doigt, dans l’autre mon second doigt, etc. Eh bien, il suffit que le critère relatif à l’un de mes doigts soit satisfait pour que tous les autres le soient, mais il ne suffit pas que le critère relatif à l’œil le soit. Voilà le sens de mon assertion, je me borne à affirmer un fait expérimental qui se vérifie d’ordinaire.

Nous avons analysé à la fin du chapitre précédent l’espace visuel ; nous avons vu que pour engendrer cet espace, il faut faire intervenir les sensations rétiniennes, la sensation de convergence, et la sensation d’accommodation ; que si ces deux dernières n’étaient pas toujours d’accord, l’espace visuel aurait quatre dimensions au lieu de trois ; et d’autre part que si l’on ne faisait intervenir que les sensations rétiniennes, on obtiendrait « l’espace visuel simple » qui n’aurait que deux dimensions. D’un autre côté, envisageons l’espace tactile, en