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Il faut donc pour compléter le recul réel, ajouter au recul apparent une force complémentaire apparente


(je mets le signe — parce que le recul, comme l’indique son nom, a lieu dans le sens négatif).

L’existence de la force complémentaire apparente est donc une conséquence nécessaire du phénomène du recul.

Ainsi, d’après la théorie de Lorentz, le principe de réaction ne doit pas s’appliquer à la matière seule ; le principe du mouvement relatif ne doit pas non plus s’appliquer à la matière seule. Ce qu’il importe de remarquer c’est qu’il y a entre ces deux faits une connexion intime et nécessaire.

Il suffirait donc d’établir expérimentalement l’un des deux pour que l’autre se trouvât établi ipso facto. Il serait sans doute moins difficile de démontrer le second ; mais c’est déjà à peu près impossible puisque par exemple M. Liénard a calculé qu’avec une machine de 100 Kilowatts la force complémentaire apparente ne serait que de de dyne.

De cette corrélation entre ces deux faits découle une conséquence importante ; c’est que l’expérience de Fizeau est déjà elle-même contraire au principe de réaction. Si, en effet, comme l’indique cette expérience, l’entraînement des ondes n’est que partiel, c’est que la propagation relative des ondes dans un milieu en mouvement ne suit pas les mêmes lois que la propagation dans un milieu en repos ; c’est-à-dire que le principe du mouvement relatif ne s’applique pas à la matière seule et qu’il faut lui faire subir au moins une correction à savoir celle dont j’ai parlé plus haut (2°) et qui consiste à tout rapporter au « temps local ». Si cette correction n’est pas compensée par d’autres, on devra conclure que le principe de réaction n’est pas vrai non plus pour la matière seule.

Ainsi se trouveraient condamnées en bloc toutes les théories qui respectent ce principe, à moins que nous ne consentions à modifier profondément toutes nos idées sur l’électrodynamique. C’est là une idée que j’ai développée plus longuement dans un article antérieur (Éclairage Électrique, Tome 5, No 40).