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LA THÉORIE DE LORENTZ ET LE PRINCIPE DE RÉACTION


PAR


H. POINCARÉ




On trouvera sans doute étrange que dans un monument élevé à la gloire de Lorentz je revienne sur des considérations que j’ai présentées autrefois comme une objection à sa théorie. Je pourrais dire que les pages qui vont suivre sont plutôt de nature à atténuer qu’à aggraver cette objection.

Mais je dédaigne cette excuse parce que j’en ai une cent fois meilleure. Les bonnes théories sont souples. Celles qui ont une forme rigide et qui ne peuvent la dépouiller sans s’effondrer ont vraiment trop peu de vitalité. Mais si une théorie nous révèle certains rapports vrais, elle peut s’habiller de mille formes diverses, elle résistera à tous les assauts et ce qui fait son essence ne changera pas. C’est ce que j’ai expliqué dans la conférence que j’ai faite dernièrement au Congrès de Physique.

Les bonnes théories ont raison de toutes les objections ; celles qui ne sont que spécieuses ne mordent pas sur elles, et elles triomphent même des objections sérieuses, mais elles en triomphent en se transformant.

Les objections les servent donc, loin de leur nuire, puis qu’elles leur permettent de développer toute la vertu latente qui était en elles. Eh bien la théorie de Lorentz est de celles-là, et c’est là la seule excuse que je veuille invoquer.

Ce n’est donc pas de cela que je demanderai pardon au lecteur, mais d’avoir exposé si longuement des idées si peu nouvelles.


§ 1.

Rappelons d’abord rapidement le calcul par lequel on établit que dans la théorie de Lorentz le principe de l’égalité de l’action et de la réaction n’est plus vrai, du moins quand on veut l’appliquer à la matière seule.