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Changements d’état et changements de position. — Mais, dira-t-on, si l’idée de l’espace géométrique ne s’impose pas à notre esprit, si d’autre part aucune de nos sensations ne peut nous la fournir, comment a-t-elle pu prendre naissance ?

C’est ce que nous avons maintenant à examiner et cela nous demandera quelque temps, mais je puis résumer en quelques mots la tentative d’explication que je vais développer.

Aucune de nos sensations, isolée, n’aurait pu nous conduire à l’idée de l’espace, nous y sommes amenés seulement en étudiant les lois suivant lesquelles ces sensations se succèdent.

Nous voyons d’abord que nos impressions sont sujettes au changement ; mais parmi les changements que nous constatons, nous sommes bientôt conduits à faire une distinction.

Nous disons tantôt que les objets, causes de ces impressions, ont changé d’état, tantôt qu’ils ont changé de position, qu’ils se sont seulement déplacés.

Qu’un objet change d’état ou seulement de position, cela se traduit toujours pour nous de la même manière : par une modification dans un ensemble d’impressions.

Comment donc avons-nous pu être amenés à les distinguer ? Il est facile de s’en rendre compte. S’il y a eu seulement changement de position, nous pouvons restaurer l’ensemble primitif d’impressions en faisant des mouvements qui nous replacent vis-à-vis de l’objet mobile dans la même