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point commun, et son intuition pourrait paraître tout aussi légitime.

Elle le tromperait cependant. On peut démontrer qu’il y a des courbes qui n’ont pas de tangente, si cette courbe est définie comme un continu analytique de deuxième ordre.

Sans doute quelque artifice analogue à ceux que nous avons étudiés plus haut aurait permis de lever la contradiction ; mais, comme celle-ci ne se rencontre que dans des cas très exceptionnels, on ne s’en est pas préoccupé. Au lieu de chercher à concilier l’intuition avec l’analyse, on s’est contenté de sacrifier l’une des deux, et comme l’analyse doit rester impeccable, c’est à l’intuition que l’on a donné tort.


Le continu physique à plusieurs dimensions. — J’ai étudié plus haut le continu physique tel qu’il ressort des données immédiates de nos sens, ou, si l’on veut, des résultats bruts des expériences de Fechner ; j’ai montré que ces résultats sont résumés dans les formules contradictoires

A = B, B = C, A < C.

Voyons maintenant comment cette notion s’est généralisée et comment a pu en sortir le concept des continus à plusieurs dimensions.

Considérons deux ensembles quelconques de sensations. Ou bien nous pourrons les discerner l’un de l’autre, ou bien nous ne le pourrons pas,