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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

dément émus et poussent ensemble un même cri de « Vive la France ! »

Pour que l’acte du gouvernement ne puisse être inexactement interprété en Angleterre, M. René Viviani prie immédiatement M. Paul Cambon de rappeler à sir Ed. Grey que le décret de mobilisation est une mesure essentielle de préservation nationale, que la France n’a cessé de donner à la Russie, d’accord avec le gouvernement britannique, des conseils de modération, que ces conseils ont été écoutés, que dès le début M. Sazonoff a exercé une pression sur la Serbie pour qu’elle fît toutes les concessions compatibles avec sa souveraineté, que le ministre russe, donnant un nouveau témoignage de son esprit de conciliation, a ensuite engagé avec l’Autriche une négociation directe ; qu’il a enfin consenti à laisser les puissances les moins intéressées rechercher les moyens d’apaiser le conflit ; qu’il a, conformément au désir exprimé par sir G. Buchanan, accepté de modifier la première formule présentée par la Russie ; qu’il semblait donc facile d’établir un accord entre les vues de l’Autriche, de l’Angleterre et de la Russie ; qu’au cours même des pourparlers la mobilisation est intervenue en Autriche et en Russie, que l’Allemagne, après avoir proclamé le Kriegsgefahrzustand, a annoncé à Pétersbourg sa propre mobilisation ; que nous nous sommes alors trouvés dans l’obligation de prendre la même précaution que les autres puissances, mais que nous demeurons décidés à tout faire encore pour tâcher d’éviter la guerre.

Les hésitations du cabinet anglais et les divisions qui les causent n’en continuent pas moins. M. Paul Cambon nous télégraphie à la fin de l’après-midi du 1er août : Londres, 1er août 1914, 6 h. 24. Reçu à Paris à 22 h. 5. Secret. Sir Ed. Grey m’a dit que, dans le Conseil de ce matin, le cabinet avait, de nouveau, envisagé la situation, mais s’était séparé sans prendre de décision. Je lui ai communiqué vos télégrammes relatifs aux démarches de M. de Schœn et aux actes d’agression des Allemands sur notre frontière. J’ai fait remarquer qu’il y avait là une situation nouvelle et que dès ce soir peut-être les relations diplomatiques seraient rompues entre Paris et Berlin, que nous étions exposés à une invasion par notre frontière de terre et à des démonstrations des escadres allemandes sur nos côtes d’autant plus dangereuses que, d’accord avec l’Angleterre, nous avions concentré le gros de nos forces navales dans la Méditerranée. Le secrétaire d’État m’a répondu que, l’Allemagne ayant réclamé de l’Angleterre une déclaration de neutralité et ne l’ayant pas obtenue, le gouvernement britannique était toujours maître de son action, que si le gouvernement ne se montrait pas favorable à un débarquement de troupes anglaises sur le continent, qui, pense-t-il, serait mal accueilli par l’opinion, il y avait d’autres points où l’intervention lui paraîtrait sans doute justifiée.

Ainsi, le 1er août, à la fin de la journée, le gouvernement anglais ne