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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

comte Berchtold s’était maintenu très amical et, sans qu’on en pût concevoir un ferme espoir, il permettait de croire que toute chance de localiser le conflit n’était pas perdue. C’est alors qu’est parvenue la nouvelle de la mobilisation allemande. Et notre ambassadeur ajoute : Mon collègue russe reconnaît que la mobilisation allemande rendra un arrangement de plus en plus difficile. Est-il encore possible d’informer la chancellerie allemande de la responsabilité qu’elle assume en supprimant cette suprême chance de salut ? Comment cette nouvelle de la mobilisation allemande a-t-elle pu, si elle est fausse, se répandre si rapidement à Vienne, en même temps qu’à Pétersbourg ?

Devant les menaces dont il nous sent peu à peu encerclés, M. Viviani téléphone à M. Paul Cambon et insiste, pour qu’il tâche d’être fixé, le plus tôt possible, sur les intentions de l’Angleterre. M. Paul Cambon s’efforce de démontrer au secrétaire d’État que, du jour au lendemain, peut se déchaîner, malgré nous, une guerre générale et qu’il est urgent de discuter toutes les hypothèses. À onze heures et demie du soir, arrive un télégramme de Londres, parti à 8 h. 36. M. Paul Cambon nous dit que sir Ed. Grey a compris ses observations et doit saisir demain le Conseil des ministres. Le secrétaire d’État a donné rendez-vous à l’ambassadeur après le Conseil. Sir Ed. Grey ne semble pas cependant avoir perdu tout espoir d’une solution pacifique. Il a cherché un moyen nouveau. Il propose décidément à Pétersbourg d’admettre l’occupation de Belgrade par l’Autriche, à condition que cette Puissance s’engage à évacuer la ville dès qu’aura été trouvé un accommodement. M. Paul Cambon ne croit pas que la Russie donne son assentiment à cette proposition. Elle vient, en effet, un peu tard, après le bombardement de Belgrade.

Ignorants des futures résolutions de l’Angleterre, nous ne le sommes pas moins de celles de l’Italie. Obligée par nos accords de 1900-1902 à garder la neutralité si nous sommes attaqués, l’Italie reste, d’autre part, l’alliée de l’Autriche et de l’Allemagne. L’article 7 du traité de la Triple-Alliance stipule que les Puissances contractantes devront s’entendre entre elles avant de modifier l’état de choses dans les Balkans et que, si l’Autriche obtient un accroissement de territoire, l’Italie aura droit à un dédommagement. Nous avons appris depuis la guerre que l’interprétation de cet article avait donné lieu à de vives discussions. Le 24 juillet, l’ambassadeur d’Allemagne à Rome, M. Flotow, télégraphiait à Berlin qu’il avait eu un entretien assez agité avec le président du Conseil, M. Salandra, et avec le ministre des Affaires étrangères, marquis de San Giuliano. Ce dernier avait déclaré que l’esprit de la Triple-Alliance, pour une démarche agressive de l’Autriche, aussi fertile en conséquences, aurait exigé que l’Autriche s’entendît, d’abord, avec ses alliées. L’Italie, n’ayant pas