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RAYMOND POINCARÉ

générale ultérieure par l’exécution, à l’heure présente, d’une mobilisation partielle. La conclusion à laquelle est arrivée la conférence est communiquée par téléphone à l’Empereur, qui donne son assentiment.

Mais, dans la soirée, au moment où les ordres vont être lancés, il se ravise. Le Tsar, qui souhaitait très vivement la paix, venait d’échanger, comme nous l’avons vu, des télégrammes avec le Kaiser et, le 29, à 21 h. 40, il avait encore reçu de son cousin Willy un mot ainsi conçu : …Je crois possible et désirable une entente directe entre Ton gouvernement et Vienne et, ainsi que je Te l’ai déjà télégraphié, mon gouvernement continue ses efforts en vue de la provoquer. Évidemment des mesures militaires de la part de la Russie, qui seraient considérées par l’Autriche comme menaçantes, précipiteraient une catastrophe que tous deux nous désirons éviter et compromettraient mon rôle de médiateur, que j’ai volontiers accepté sur Ton appel à mon amitié et à mon assistance.

Le Tsar lit ces lignes, il entrevoit une possibilité de paix, il ne veut pas désespérer, il téléphone à Yanoushkévitch, qui le supplie de ne pas annuler l’ordre de mobilisation générale, mais en vain. La parole d’honneur de Guillaume l’emporte et l’Empereur ordonne de ne publier le lendemain qu’une mobilisation partielle.

Le vice-directeur de la chancellerie du ministère des Affaires étrangères, M. Basily, avait, d’abord, été chargé, au début de la soirée, d’annoncer à M. Maurice Paléologue l’ordre de mobilisation générale préparé pour le 30. Notre ambassadeur, surpris de cette décision, avait naturellement voulu nous en informer sans retard. Mais M. Basily lui avait fait remarquer qu’un télégramme chiffré à l’ambassade ne serait probablement pas impénétrable à Berlin. Le gouvernement russe, nous l’avons déjà vu, savait à quoi s’en tenir sur notre cryptographie. M. Basily avait donc insisté sur le caractère secret de la communication et avait prié M. Paléologue de faire, pour plus de sûreté, chiffrer au ministère russe des Affaires étrangères le télégramme destiné à M. Viviani. Sur les entrefaites, était intervenu le contre-ordre du Tsar et, après minuit, M. Paléologue avait été informé qu’il n’était plus question que de mobilisation partielle et que l’ukase du lendemain se bornerait à la publication de cette mesure restreinte.

Le 30, au reçu du télégramme envoyé par M. Viviani à sept heures du matin, M. Paléologue va trouver M. Sazonoff et lui exprime le désir qu’a le gouvernement français d’éviter toute mesure qui pourrait fournir à l’Allemagne un prétexte à mobilisation générale, et voici en quels termes il rend compte au Quai d’Orsay de sa mission : Ce matin même, j’ai recommandé à M. Sazonoff d’éviter toute mesure militaire qui pourrait offrir à l’Allemagne un prétexte à la mobilisation générale. Il m’a répondu que, dans le cours de