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mande sont venues suspendre ces aimables usages. Une autre guerre, déjà plus longue et plus cruelle, interrompt aujourd’hui pour la seconde fois les rites du 1er janvier à l’Élysée et ailleurs. Ce n’est plus en habit, c’est en redingote et sans aucune cérémonie, que je reçois les ministres et les bureaux des Chambres. Je me rends ensuite au Luxembourg et au Palais-Bourbon. Les propos que nous échangeons sont exempts, sinon de confiance, du moins de gaieté et chacun de nous retourne volontiers à sa solitude et à son travail.

Que nous réserve cette année nouvelle, qui commence sous des auspices si incertains ? Dans les premiers jours de décembre 1915, se sont réunis à Chantilly, sous la présidence du général Joffre, les représentants des armées alliées[1]. Ils ont examiné les mesures à prendre pour s’entr’aider en cas d’offensive allemande, et même, pour tâcher d’écarter cette éventualité, ils ont décidé d’entreprendre en commun toute une série d’offensives concertées. Réussiront-ils à éviter ainsi une grande attaque ennemie ? Ou, au contraire, les Allemands ne vont-ils pas chercher à nous devancer ? Dans cette dernière hypothèse, sur quel point porteront-ils leur effort ? Ils paraissent, en ce moment, menacer l’Argonne d’une part et Nancy, d’autre part. Mais peut-être ne sont-ce là que des diversions ou des simulacres. D’après certaines informations du service des renseignements, ce serait sur Verdun que l’attaque aurait lieu. Rien d’étonnant à ce que l’ennemi cherche à frapper l’opinion par la prise d’une place célèbre qui lui ferme la porte de Paris. J’ai le pressentiment que c’est là qu’on

  1. V. Guerre de siège, p. 329 et suiv.