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cette situation à d’Urbal, qui l’ignorait, car il m’a affirmé que les hommes étaient quarante-huit heures à la tranchée, quarante-huit heures dans un cantonnement voisin, quarante-huit heures à la tranchée, puis six jours tout à fait à l’arrière. Une fois de plus, je constate combien les chefs vivent trop souvent à l’écart des réalités.

Nous revenons par le même boyau de sept kilomètres et demi, et nous trouvons à Bully-Grenay, au milieu des ruines, d’autres territoriaux, que j’interroge. Ils appartiennent au 16e régiment. Ceux-ci ne vont pas aux tranchées, ils sont occupés à des travaux, mais quelques-uns se plaignent aussi d’être, depuis trop longtemps, tout près du front et de n’avoir jamais de repos.

Pour refaire certains corps et pour organiser, à l’arrière, des centres d’instruction, le G. Q. G. a mis à l’avant plusieurs unités territoriales, sous prétexte que les tranchées sont, en ce moment, à peu près tranquilles, et c’est ainsi, sans doute, que s’est formé l’état d’esprit que m’a signalé Boudenoot et qui pourrait devenir inquiétant. Je communique ces impressions au général d’Urbal, qui en paraît frappé, mais il lui faudrait, dit-il, une division de plus pour épargner aux territoriaux des fatigues excessives.

Après être revenus à l’arrière, pour déjeuner dans mon train à Aubigny, nous allons visiter des cantonnements à Haute-Avesnes et à Marœuil. Ici, les hommes se plaignent de manquer de paille et d’être dévorés par les insectes. On achève çà et là des baraquements, qui devraient être terminés depuis plusieurs semaines. Les troupes couchent dans des granges obscures, qui s’ouvrent généralement sur des cours intérieures larges et