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seurs de la 66e division. Nous sommes, en réalité, dans le secteur du général Serret, notre ancien attaché militaire à Berlin, commandant de cette division[1]. Il est venu nous voir un instant à Krüt, mais il a dû partir aussitôt pour Saint-Amarin, où il préside une grande fête donnée à l’occasion de la distribution des prix. Le général de Pouydraguin est resté avec nous pour le suppléer. Le poste de commandement du lieutenant-colonel Boussat est installé dans le presbytère, que le curé de Mittlach, Allemand immigré, s’est empressé d’abandonner. Le lieutenant-colonel a pour cuisinier le propre « chef » du roi d’Angleterre, Français mobilisé, et le repas est succulent. Nous ne pouvions nous attendre à pareille chère dans ce petit village alsacien, difficilement ravitaillé par des routes de montagne.

Après le déjeuner, nous visitons l’ambulance, le cimetière militaire, une compagnie de mitrailleuses, et nous allons enfin saluer le conseil municipal réuni par le maire. Deux conseillers seulement savent le français. Ce sont des vétérans de 1870. Nous montons ensuite, au sud de Mittlach, à un camp de chasseurs et à l’observatoire de Breitfirst, d’où nous découvrons les tranchées du Linge et du Barrenkopf et très loin, à l’horizon, l’Oberland et les Alpes. La journée paraît calme. Une forte contre-attaque allemande a été repoussée hier soir et les deux partis semblent maintenant au repos. Loti n’est pas tenté par l’ascension de l’observatoire ; il va rêver sur les pentes, dans la fraîcheur d’un petit bois.

  1. Vie et mort du général Serret, par Henry Bordeaux, Plon édit., p. 173 et s.