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Dimanche 8 août.

Nous sommes partis de Paris hier soir, par la gare de l’Est. Pierre Loti m’accompagne. J’espère qu’il va trouver dans les Vosges et en Alsace une opulente collection d’images et qu’il rapportera de son voyage quelques-unes de ces pages que seul il sait écrire.

Nous arrivons, vers huit heures du matin, dans la coquette ville de Gérardmer, où m’attend le général de Maud’huy, commandant de la 7e armée. Nous montons dans une automobile. Loti y installe auprès de lui une discrète valise, qui contient, nous dit-il, « ses fétiches » et, si je ne me trompe, ses plus précieux objets de toilette.

Nous allons, d’abord, au Valtin, où le lieutenant-colonel Messimy a son poste de commandement. J’y trouve aussi le colonel Brissaud-Desmaillet, qui commande la 3e brigade de chasseurs et qui, me dit Maud’huy, s’est admirablement conduit dans les opérations du Linge. Messimy est encore couché, mais la blessure qu’il a reçue à la cuisse est en voie de guérison, et il supporte son mal avec bonne humeur. Il me répète ce qu’il m’a écrit. L’affaire du Linge a été, suivant lui, gâtée par les officiers de liaison du G. Q. G., qui n’ont pas voulu tenir compte de l’avis des exécutants. Les positions que nous occupons près du sommet sont intenables à cause du bombardement. Il faut avancer ou reculer et, pour avancer, on aurait besoin d’une division fraîche. Le colonel Brissaud-Desmaillet, appelé par Messimy auprès de son lit, me confirme les impressions de l’ancien ministre et, tout à coup, en me parlant, ce mâle soldat éclate en sanglots et me dit : « Quand je pense qu’on fait tuer nos chasseurs pour rien et qu’ils sont si