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par des civils belges, hommes et femmes, contre des soldats au repos36.

Mais si audacieux qu’il soit dans l’art de la calomnie, le militarisme allemand l’est encore plus dans l’intrigue. À l’autre extrémité de l’Europe, il montre de quels stratagèmes il est capable pour arriver à ses fins. Notre attaché militaire télégraphie de Thérapia37 : « Le maréchal Liman von Sanders a reçu le commandement de la 1re armée, qui est en voie de concentration vers Andrinople — Demolika, pour opérer, le cas échéant, contre la Grèce. Tous les officiers allemands restent en Turquie et ont reçu des commandements. » M. Bompard confirme ces renseignements38 et ajoute qu’il croit pouvoir affirmer que les deux croiseurs battent encore pavillon allemand. Pendant leur séjour dans les Dardanelles, les équipages se sont comportés en maîtres. Ils ont fait, en rade de Chanak, des perquisitions sur les navires de commerce anglais, français et grecs ; ils ont enlevé l’appareil radiotélégraphique du Saghalien, des Messageries maritimes, sous menace de couler ce paquebot. Tout cela dans les eaux territoriales d’un pays neutre. M. Bompard a protesté contre ces abus. Le grand vizir a courtoisement accueilli notre réclamation, mais il est impuissant à y faire droit, le ministre de la Guerre ayant coutume de passer outre à ses plus formelles injonctions. La croyance au succès des armées allemandes est devenue si forte chez les Turcs que les représentants de la Triple-Entente sont aujourd’hui dépourvus de toute autorité, même pour protéger leurs nationaux39.