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nos troupes près de Lunéville, dans la forêt de Parroy. C’est donc par un communiqué allemand que nous apprenons un revers dont notre quartier général ne nous a pas soufflé mot. Une fois encore, je me plains de ce silence à M. Messimy, qui le trouve lui-même abusif. « Je comprends, lui dis-je, que le commandement garde le secret sur les opérations projetées, mais il n’a aucune raison de nous cacher celles qui ont eu lieu, même et surtout lorsqu’il s’agit d’un échec. » Le ministre me promet de renouveler et d’accentuer ses instructions. Elles sont d’autant plus nécessaires que, dans le bulletin de renseignements qui nous est envoyé aujourd’hui, il n’est rien dit encore de la forêt de Parroy et que les passages essentiels sont simplement ceux-ci : « Dans la région de Liége, la situation reste bonne pour l’armée belge qui n’est pas entamée. Lorraine et Alsace : Rien de nouveau sur le front. » Il est utile, sans doute, de ménager le moral du pays, mais c’est pousser un peu loin la discrétion que de laisser ignorer au gouvernement des vérités déplaisantes. Il a le devoir de les connaître et d’en faire son profit.

Les informations qui concernent le front russe ne sont pas, elles non plus, très rassurantes. Sans attendre l’offensive du grand-duc Nicolas, les Autrichiens ont franchi la frontière dans la vallée de la Haute-Vistule. De leur côté, d’après un télégramme de M. Velten, consul général de France à Varsovie32, les Allemands menaceraient déjà cette ville et les autorités russes seraient prêtes à s’en éloigner, après avoir coupé les ponts derrière elles.