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sourire effleure ses lèvres sévères ; la joie rayonne sur tout son visage. Il me répète ce que le marquis di San Giuliano lui a prescrit de nous dire, que, même après notre communication à Vienne, l’Italie ne considère pas l’Autriche comme attaquée, qu’elle se regarde comme détachée de la Triple-Alliance, seule coupable d’avoir troublé la paix, et qu’elle conservera la neutralité. Je remercie, à mon tour, M. Tittoni, et j’ajoute : « Je ne me permettrais pas, même à titre privé, de vous donner un conseil, mais, si j’étais Italien, je sais bien quels seraient mes vœux. L’ Angleterre, la France et la Russie n’ont pas voulu la guerre ; mais, puisqu’on la leur a imposée, elles sont toutes trois résolues à ne déposer les armes qu’après la victoire. Ce sera donc peut-être la fin de cette dualité artificielle qui compose l’empire austro-hongrois. L’Italie a des aspirations nationales. L’heure est décisive pour elle. Je tiens à vous assurer, d’ailleurs, que si jamais notre flotte, en combattant contre l’Autriche, se trouvait amenée, malgré elle, à bombarder des villes comme Trieste ou Pola, nous ne nous y résignerions que sous la pression de nécessités inexorables et dans la seule pensée de hâter la victoire. Nous éprouverions un profond regret de causer le moindre dommage à des populations italiennes. » M. Tittoni me répond simplement qu’il transmettra mes déclarations à son gouvernement, qui y sera très sensible. Je ne fais, devant l’ambassadeur, aucune allusion aux propositions de M. Sazonoff, dont le succès nous parait très problématique et que M. Barrère juge fort inopportunes23. Je rapporte ma conversation à