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Croyez-moi, a-t-il dit, nous ne pouvions agir autrement. En Serbie, en Russie, dans tous les pays slaves et dans quelques autres qui les soutiennent, la conviction s’est établie que l’Autriche-Hongrie se disloque et que sa désagrégation complète n’est plus l’affaire que de trois ou quatre ans. Mieux vaut précipiter la catastrophe que de tolérer qu’on nous estime condamnés. On nous a réduits à la nécessité de prouver que nous sommes encore capables d’un vigoureux effort. Dieu sait pourtant que nous désirions épargner à l’Europe et à nous-mêmes la crise où nous voilà jetés ! » En d’autres termes, la monarchie des Habsbourg se croyant perdue, par la fragilité même de sa constitution intérieure, a précipité les événements et joué le tout pour le tout.

Prévoyant que les hostilités allaient fatalement éclater entre l’Autriche et nous, le marquis di San Giuliano a donné, d’avance, ses instructions à M. Tittoni et au marquis Imperiali. Il leur a fait savoir que, même dans cette éventualité, l’Italie continuerait à se tenir pour dégagée des obligations de la Triple-Alliance et qu’elle ne prendrait parti, ni contre la France, ni contre l’Angleterre, pour cette raison décisive qu’en attaquant la Serbie, l’Autriche s’était donné le rôle d’agresseur. C’est là, brièvement libellé, un jugement fort équitable sur les responsabilités de la guerre. Le marquis di San Giuliano a noté, en outre, dans sa communication, qu’il y a, pour le moment, trois courants en Italie, un pour le maintien de la neutralité, un deuxième, très faible, pour la coopération avec les Empires du Centre, un troisième, plus fort, pour l’action contre l’Autriche, mais ce dernier, prétend le fin ministre italien, serait ralenti par l’immobilité