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certer, sans trop de faux mouvements, l’action de leurs chancelleries. Ni la différence des tempéraments nationaux, ni la dissemblance des constitutions, ni la trop fréquente opposition de certains intérêts traditionnels, ni la fâcheuse humeur de certains diplomates russes, n’ont altéré ou refroidi l’Alliance. Notre Entente cordiale avec l’Angleterre s’est peu à peu étendue, depuis 1904, à l’examen de tous les problèmes internationaux et nous avons maintenant la certitude qu’après les hésitations et les lenteurs des premiers jours, le concours britannique va nous être donné, sur terre et sur mer, à la Belgique et à nous.

Mais la préparation militaire de l’Allemagne n’est-elle pas très supérieure à la nôtre ? Le service de trois ans, proposé par M. Briand et adopté sous le ministère Barthou, a, dans une certaine mesure, porté remède à notre infériorité ; il est encore loin cependant d’avoir produit tous ses effets. Que vaut, en outre, notre matériel par rapport à celui de nos voisins ? Les critiques développées à la tribune du Sénat par MM. Clemenceau et Charles Humbert ne sont malheureusement pas toutes sans fondement ; nous manquons d’artillerie lourde ; le retard qu’ont mis les Chambres à voter l’emprunt et les crédits extraordinaires demandés, d’accord avec moi, par le gouvernement, a ralenti la reconstitution de notre outillage militaire. Nous avons nos quatre mille canons de campagne, ces excellents 75, qui ont fait leurs preuves naguère dans les Balkans, mais ils ont l’inconvénient de ne tirer qu’à trajectoire tendue et de ne pouvoir, comme les obusiers allemands, se défiler derrière les coteaux et fouiller par tirs courbes des terrains qui ne sont pas vus des servants. Nous ne possé-