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que la France impérialiste et perfide laissait planer sur la Belgique. Dans une proclamation du 6 août, la troisième qu’il ait, depuis la déclaration de guerre, adressée à son peuple, Guillaume Il affirme qu’il s’agit aujourd’hui pour l’empire d’une question de vie ou de mort et que, pour s’assurer la victoire, les Allemands sacrifieront jusqu’au dernier homme, jusqu’au dernier cheval. La prise de Liége est célébrée par la presse berlinoise comme un fait d’armes sans précédent. Et toujours revient ce leit motiv : « Les habitants des villes de la frontière française ayant tiré sur des soldats allemand, ceux-ci, dorénavant, ne feront plus de quartier. »

Nouvelle visite de M. Clemenceau. « J’ai vu, me confie-t-il, M. de Freycinet, qui m’a jeté dans l’inquiétude. Il craint que les Russes ne marchent pas assez vite. Il voudrait que nous fissions des démarches instantes pour hâter leur offensive. Vous pensez bien, dis-je, que le gouvernement et le général en chef ont eu spontanément cette pensée. Le grand-duc Nicolas nous a promis une attaque prochaine. — N’importe, répond M. Clemenceau. Vous ferez bien d’écrire à M. de Freycinet. Il a quatre-vingt-six ans, il a été ministre de la Défense nationale en 1870 et, pour lui, c’est un peu la même guerre qui continue. » Bien qu’hier encore j’aie vu M. de Freycinet, je lui adresse volontiers le petit mot que me conseille M. Clemenceau. Il me répond immédiatement par un billet dont l’écriture, remarquable d’aisance et de jeunesse, m’inspire une envieuse admiration : « Paris, le 11 août 1914. Monsieur le président, je suis très touché que vous ayez pris la peine de me rassurer par votre lettre de ce jour. Je suis convaincu que, sous votre