Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

conspiration ne fût ourdie pour contrecarrer ses efforts. Venu aujourd’hui, avec une cordialité ravivée, me confier de nouveau ses espérances, il s’est demandé si M. Tittoni, rentré à l’ambassade après sa croisière interrompue, n’allait pas volontairement tout gâter. Mais, un peu plus tard dans la journée, il m’envoie une note où la confiance a repris le dessus : « Paris, 9 août 1914. Note pour M. le président de la République. — Le plan machiavélique a échoué ou plutôt n’a pas été mis à exécution, car on est venu me chercher pour me dire que j’étais attendu. On m’a annoncé, en même temps, que M. Tittoni était complètement retourné et qu’il pensait et parlait comme nous. Entrevue ultra-cordiale d’une heure et demie. Il m’a demandé l’autorisation de porter l’entretien à la connaissance de son gouvernement, ainsi que le récit de l’entrevue antérieure à l’Élysée. Je ne pouvais faire de difficulté. J’ai lieu de croire qu’il a trouvé, en arrivant, une dépêche qui a causé ce revirement, car c’était le passage subite du blanc au noir, comme précédemment. Il me semble que vous touchez au succès. Signé : G. CLEMENCEAU. »

Je suis très frappé par le ton presque affectueux de cette note, où éclate la joie patriotique de M. Clemenceau. Je voudrais que ses prévisions fussent fondées, mais la source secrète et. sûre de M. Doumergue me murmure qu’il faut nous défier du résultat de ces conversations officieuses. Le fait que nous ne sommes pas encore en état de guerre avec l’Autriche inquiète, d’ailleurs, le gouvernement italien et le marquis di San Giuliano en manifeste, une fois de plus, sa surprise43.