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Il faudrait une quinzaine de jours pour tout mettre en état. Les Allemands nous laisseront-ils le répit nécessaire ?

Pour tâcher de faire diversion à leur large mouvement vers les Flandres et peut-être aussi pour multiplier par un coefficient psychologique la valeur de notre stratégie, notre commandement en chef, toujours installé à Vitry-le-François, a donné l’ordre d’occuper, dans les Vosges, les cols de Bussang, de la Schlucht, du Bonhomme, de Sainte-Marie et de Saales. Il a même immédiatement poussé nos troupes d’Altkirch et de Thann sur Mulhouse. Nous sommes rentrés sans combat, à 15 heures, dans la grande et chère ville qui s’était librement donnée à la France en 1798 et dont l’empereur Guillaume connaît si bien les sentiments que, depuis son avènement au trône, il s’est toujours abstenu d’y paraître. Nos régiments ont défilé, musique en tête, au milieu d’une population enthousiaste. M. Messimy a envoyé au général Joffre un télégramme de félicitations. Le général Joffre lui-même a adressé une proclamation à l’Alsace.

Comment ne pas tressaillir de joie à l’arrivée de ces télégrammes ? Mais cette retraite volontaire des Allemands ne laisse pas que d’être un peu suspecte et il nous parvient à Paris des informations qui contrastent avec l’optimisme de notre état-major. C’est ainsi que le commissaire spécial de Pontarlier nous signale d’inquiétants mouvements de troupes badoises dans les environs de Colmar. De prochaines contre-attaques ne sont-elles pas à redouter ?

D’autres préoccupations encore viennent troubler notre allégresse. Dans la Méditerranée, le