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sur nos provinces perdues. La petite ville d’Altkirch, l’ancienne capitale du Sundgau, la gracieuse cité dont Louis XIV a fait don jadis au cardinal Mazarin, vient d’être enlevée à la baïonnette, dans un style magnifique, par notre 44e régiment d’infanterie. Nos soldats vainqueurs sont montés sur la haute plate-forme où se dresse l’église et d’où se découvre, bordée par les lignes bleues des montagnes, l’immense plaine d’Alsace. La population a joyeusement acclamé les troupes françaises. D’un geste symbolique, habitants et fantassins ont arraché et abattu les poteaux de la frontière. À la même heure, notre 41e division a pénétré par le col d’Oderen, dans la riante vallée de la Thur, qu’elle a descendue jusqu’à Thann, après avoir emporté de vive force plusieurs barrages de troupes ennemies. Il ne s’agit pas encore là, pour la 1re armée, d’une offensive générale. Mais, sans attendre la fin de la concentration, c’est-à-dire le 14 août, le général Dubail a reçu du commandant en chef l’ordre d’utiliser en Haute-Alsace, pour une action immédiate, plus morale, ce semble, ou même plus sentimentale que militaire, un de ses corps d’armée de couverture, le VIIe, avec une division de cavalerie. L’objectif est, en premier lieu, le front Thann — Mulhouse. De là, on essaiera d’atteindre le Rhin et d’en couper les ponts, pour marcher ensuite vers Colmar. Les Français en Alsace ! Quarante-quatre ans après que s’est accompli un des plus grands rapts qu’ait connus l’histoire ! Gambetta avait-il donc raison de compter sur la justice immanente ? …

Puisque les hostilités commencent, les officiers de ma maison militaire, qui sont tous en activité de service, doivent rejoindre, sur terre ou sur mer,