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croix de la Légion d’honneur, que je me promets d’aller lui porter moi-même après la victoire commune. Je télégraphie au roi Albert que le gouvernement tient à honorer ainsi les courageux défenseurs de la place et de l’armée belge tout entière, avec laquelle l’armée française verse, depuis ce matin, son sang sur les champs de bataille. De Louvain, où est installé son quartier général, le roi m’adresse ses remerciements et ajoute : « Liége, le pays et l’armée tout entière continueront à faire vaillamment leur devoir. »

Mais aujourd’hui même, l’héroïque cité wallonne a été souillée par l’ennemi. Les survivants de la 14e brigade allemande, conduits par le général Ludendorff, se sont glissés entre les forts et ont pénétré dans la place. Ils sont entrés au palais du gouvernement provincial et à l’hôtel de ville. Ils ont pris des otages, dont l’évêque, le bour6mestre, les sénateurs, et les ont mis en surveillance à la citadelle, dont ils se sont emparés. Le général Leman, gouverneur militaire, a été sommé de capituler. Il a refusé. Il a donné à la 3e division, qui tenait garnison dans la ville, l’ordre de rejoindre l’armée belge et d’aller défendre avec elle, derrière la Gette, le territoire et le drapeau. Mais pour permettre à son pays et à la France d’achever la concentration de leurs armées, il a enjoint aux forts d’arrêt de résister jusqu’au bout et il s’est retiré lui-même dans Bon réduit de Loncin, d’où il se propose de contrôler et de stimuler les onze autres satellites de la place occupée.

Nous ne connaissons pas tous ces détails à Paris. Le bruit des batailles de Belgique nous y arrive indistinct et confus. Les informations militaires que nous recevons sont vagues et contradictoires.