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présidence ; l’avenir, c’est l’inconnu. M. Clemenceau m’offre donc une trêve et rien de plus. Mais devant l’ennemi, une trêve entre lui et moi n’est pas à dédaigner. Son intelligence et sa crânerie peuvent être, un jour, utiles, peut-être même nécessaires, au pays.

C’est envers l’Autriche que M. Clemenceau parait avoir le plus de ressentiment. Il s’étonne que le comte Szecsen de Temerin reste immobile à Paris, comme si la guerre n’avait pas éclaté. Cette attitude de l’ambassadeur est, en effet, d’autant plus singulière que, d’après M. Dumaine, il envoie à son gouvernement des informations calomnieuses sur la France. Le baron Macchio, premier chef de section au Ballplatz, a lu à notre représentant deux télégrammes où le comte Szecsen reproche à la population parisienne de piller les magasins autrichiens, aux hôteliers parisiens de chasser des Austro-Hongrois, à la police parisienne de croiser les bras et de laisser faire. L’ambassade, dit-il, est pleine de réfugiés14. Je n’aurais pas cru ce grave gentilhomme capable de maltraiter aussi brutalement la vérité. L’Autriche accumule-t-elle des prétextes pour rompre avec nous au moment qu’elle jugera opportun ? Je l’ignore. Mais il n’y a, dans l’ensemble du peuple français, aucune animosité contre ses nationaux et personne à Paris ne songe à les molester.

Quelle haine l’Allemagne n’a-t-elle pas, au contraire, manifestée contre notre ambassadeur à Berlin, M. Jules Cambon ! Il nous télégraphie aujourd’hui de Copenhague pour nous faire connaître les dernières péripéties de son voyage de