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Jeudi 6 août

Le matin, se réunissent dans mon cabinet MM. Viviani, Doumergue, Messimy, Augagneur, Malvy. Nous nous entretenons, de nouveau, des démarches qu’ont faites auprès de moi MM. Briand et Millerand. Le président du Conseil continue à redouter l’ouverture d’une crise ministérielle qui pourrait se prolonger et se compliquer. Mais le ministre de l’Intérieur, préoccupé d’assurer le ravitaillement de la population civile et l’assistance aux familles des mobilisés, va créer un organisme destiné à contrôler et à étendre les services existants. On décide de nommer une commission dont feront partie MM. Briand, Millerand, Delcassé, Marcel Sembat, Ribot, Léon Bourgeois. Je ne pense pas que chez tous ce modeste emploi de leur activité apaise entièrement la soif de l’ambition. Dans la tempête dont nous sommes assaillis, c’est au gouvernail même que voudraient être la plupart des passagers.

Tel est notamment, vous n’en doutez point, le cas de M. Georges Clemenceau. Je l’ai reçu une fois depuis que je suis entré à l’Élysée et cette courte entrevue, provoquée par un tiers, est restée sans lendemain. Il ne s’est guère passé de jours où il ne versât, à mon intention, dans l’Homme libre, quelques gouttes de fiel. Mais hier matin il a ajouté à son article quotidien ce post-scriptum d’un accent imprévu : « Je sors du Sénat, où il nous a été donné lecture d’un très beau manifeste du président de la République, qui a résumé en termes concis et forts tout ce qu’il fallait dire. La haute assemblée l’a accueilli debout par des applaudissements nourris. » J’ai pensé qu’à l’heure présente, cette gracieuseté insolite appelait une politesse de ma