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français ne donnera donc son acquiescement à la suggestion russe que sous cette réserve explicite : « Sans préjudice de nos revendications nationales. » M. Doumergue fait part de notre sentiment au cabinet britannique.

M. Sazonoff propose, d’autre part, d’accorder à la Roumanie, si elle reste neutre, la garantie de l’intégrité de son territoire. Mais il nous demande, je ne sais pourquoi, d’ajouter à cette promesse une menace pour le cas où la Roumanie s’allierait à l’Autriche. Procédé déplaisant et hautain à l’égard d’un pays qui entretient, en ce moment, avec la Russie, de bonnes relations et qui en a toujours eu d’excellentes avec nous. M. Doumergue s’associe volontiers à la promesse, mais jugeant avec raison que la menace serait désobligeante, il n’y donne pas son approbation.

Les heures passent, lentement, lourdement. Au cours de l’après-midi, je reçois dans le grand salon des ambassadeurs, des ambassadeurs qui ont partout leurs grandes et petites entrées : les représentants des journaux parisiens. MM. Viviani, président du Conseil, Malvy, ministre de l’Intérieur, Messimy, ministre de la Guerre, sont à mes côtés. Je remercie la presse du concours qu’elle nous offre en des circonstances où se joue le sort de la France. Le ministre de la Guerre ajoute quelques mots sur la mobilisation et la concentration de nos armées. Les journalistes nous écoutent avec émotion. Ils sont venus très nombreux de tous les points de l’horizon politique et paraissent n’avoir plus qu’une seule pensée. M. Ernest Judet est là, qui ne dit rien. M. Almeyreda, directeur du Bonnet rouge, ce repris de justice qui a joué, en ces dernières années, un rôle assez suspect, se tient à