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Lui aussi, le commandant en chef, comprend à merveille l’intérêt moral et politique d’une expédition immédiate. Mais les nécessités de notre concentration sont inexorables. Joffre ne peut la troubler par des prélèvements trop rapides. Tout ce qu’il est en mesure de faire, c’est de prescrire au général Mangin et au général Sordet de partir d’urgence, l’un avec une brigade d’infanterie, l’autre avec trois divisions de cavalerie, pour ralentir la marche des armées allemandes à travers la Belgique. Pour la défense de Liège, l’état-major général français juge qu’il est impossible de rien tenter. Cette carence involontaire nous plonge, Viviani, Messimy et moi, dans un profond désespoir, mais nous ne nous croyons pas autorisés à peser sur le commandement dans une question d’ordre strictement militaire et nous nous résignons à l’inévitable.

La préméditation de l’état-major allemand apparaît ainsi, dès les premières heures de la guerre, dans l’étonnante avance qu’il a prise sur nos alliés et sur nous. Dès le commencement de juillet, il avait convoqué des réservistes pour une période exceptionnelle qui devait commencer le 1er août. Depuis le 26 juillet, il a rappelé dans les garnisons des unités absentes et mis fin aux permissions en cours. Mais ce que nous ne savons pas, c’est que les réservistes des corps qui viennent d’entrer en campagne ont déjà tous rejoint dans la journée d’hier. Les hommes de la landwehr sont en route et vont être à leur poste après-demain. Ceux du Landsturm ont eux-mêmes commencé à se concentrer depuis le 31 juillet et seront tous groupés vers le 15 août. Viendront ensuite ceux qui n’ont pas fait de service actif et qui constituent une