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puis de limiter et enfin d’abréger les hostilités. Maintenant qu’après tant de courage dépensé et tant de sang répandu, le calme est heureusement rétabli, elle veut espérer que rien ne le viendra plus troubler et que, désormais affranchies du souci qui les obsédait, toutes les nations vont recouvrer, avec la sécurité du lendemain, la liberté de travailler, dans leur intérêt particulier et dans l’intérêt universel, au développement de leurs relations économiques, à l’accroissement de leur prospérité respective et au progrès de la civilisation. » Ni sir Francis, ni moi, nous ne pressentions guère, ce 1er janvier 1914, les tristesses et les horreurs que l’année naissante réservait à nos deux pays et au monde.

Pendant les conversations un peu décousues que nous avons tenues au cours de l’après-midi, le Président du Conseil a émis l’avis qu’il serait convenable que j’accomplisse bientôt en Russie le voyage traditionnel des Présidents de la République. Sans doute, j’étais allé naguère à Saint-Pétersbourg comme ministre des Affaires étrangères, mais il me restait à me conformer, comme chef de l’État, à un rite déjà ancien, qu’avaient scrupuleusement observé, chacun à son tour, MM. Félix Faure, Émile Loubet et Armand Fallières. M. Gaston Doumergue pensait que m’étant déjà rendu à Londres, je ne devais pas trop retarder ma visite au souverain de la puissance alliée. L’opinion du Président du Conseil avait déjà transpiré dans la presse. Certains journaux n’hésitaient pas à fixer, de leur propre autorité, la date de mon départ. Les uns parlaient des vacances parlementaires d’été ; les autres, du mois de mai. Des feuilles modérées, qui combattaient le cabinet radical, l’accusaient