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CONSÉQUENCES DE LA PAIX UKRAINIENNE


Lundi 11 février.

Pichon, privé de Clemenceau qui est au front, vient me voir dans la matinée et me dit que le président du Conseil a remercié l’impératrice Eugénie de sa communication. Mais la lettre ne sera pas actuellement publiée parce qu’elle pourrait fournir des prétextes de défaitisme à certaines personnes. Je réponds à Pichon que, pour le moment, j’approuve cette discrétion. Nous ne sommes pas à l’heure d’écrire l’histoire avec calme et impartialité.

La paix signée par l’Ukraine contient des stipulations tout à fait contraires, en ce qui concerne le ravitaillement, aux déclarations qui nous avaient été faites. Je dis donc à Pichon que nous avons eu raison de protester immédiatement contre cette paix.

Quant à la Roumanie, il hésite et se demande s’il peut répondre à Jassy en l’absence de Clemenceau. Je lui fais remarquer que les minutes comptent et que l’absence de Clemenceau ne peut avoir pour résultat notre inaction dans une crise aussi grave. À mon avis, il doit donc télégraphier dans le sens demandé par Saint-Aulaire. Je l’engage à consulter Foch au besoin sur les formules militaires à employer. Il se range à mon avis et me dit qu’il va télégraphier.

J’engage également Pichon à protester sans retard auprès des Polonais contre le démembrement de la Pologne au profit de l’Ukraine. Il accepte aussi ce conseil.

Ignace vient me voir, toujours aussi bien intentionné, mais déplorablement sourd. Il croit assurée la condamnation à mort de Bolo, mais il suppose que Bolo parlera avant l’exécution. Sans doute Caillaux lui a fait espérer l’acquittement ou l’indulgence ; ils ont provisoirement partie liée dans le silence. Mais après, Bolo mangera le morceau. Il