Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
LA VICTOIRE

lettre à Pétain. » Clemenceau ajoute qu’il croit que l’attaque allemande sera plus rapprochée qu’il ne pensait ces jours-ci et il redoute l’emploi intensif des gaz.

Freycinet, dans sa quatre-vingt-dixième année, vient me voir. Il est rétabli, presque redressé, guéri de sa bronchite et de son lumbago. Il a conservé sa merveilleuse lucidité. Il est très préoccupé, me dit-il, des frictions qui se produiront fatalement, par l’emploi de l’armée de manœuvre, entre le Comité interallié et le commandement en chef. Il trouve que les réserves devraient être dans la main du général Pétain. Il craint que le jour du combat, il n’y ait des conflits et des retards. « Je n’ose, me dit-il, en parler à Clemenceau, il ne m’écouterait pas. Mais il m’est revenu que Pétain redoute beaucoup les difficultés de l’organisation nouvelle. »

Justement Foch me rend aujourd’hui visite, en sa qualité nouvelle de commandant de l’armée de manœuvre. Il partage les appréhensions de Freycinet et en a même fait part à Clemenceau. « Mais, me dit-il, ces frictions possibles, c’est un pas et un progrès. L’armée de réserve comprendra 30 divisions, dont 4 des divisions françaises d’Italie et 7 divisions italiennes. On engagera l’armée de réserve le plus tard possible, et seulement en cas de nécessité. C’est le Comité interallié qui sera juge de cette nécessité. Il y aura donc coopération obligatoire. »


Samedi 9 février.

L’après-midi, à la Sorbonne, manifestation des grandes associations pour la continuation de la guerre jusqu’à la victoire. Deschanel préside et prononce un bref discours. Allocutions de MM. Robelin, Paul Labbé, Siegfried (qui est resté le même, malgré ses quatre-vingts ans et qui n’a rien perdu