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l’armée est magnifique

c’est la Serbie qui a été la première victime. La revue aura lieu avenue du Bois. Nous irons l’après-midi à l’Hôtel de Ville. C’est Pichon qui parlera. George V aura sa rue, comme Wilson et les autres chefs des États alliés aussi. À propos, Wilson vous a-t-il répondu ?

— Non, pas encore.

— Vraiment ? C’est inouï. Je n’admets pas cela. Quand il ne me répond pas, à moi, passe encore, mais à vous, après une pareille fête, c’est inouï ! Enfin, tout cela n’est rien. L’armée fait tout oublier. Elle est magnifique. Dans un mois, nous serons hors d’affaire. Je pourrai tomber alors sans inconvénient.

— Non, dis-je. Il faut que vous restiez jusqu’à la fin de la guerre.

— Oui, il faut que je finisse la guerre et les affaires judiciaires. Il y a, d’ailleurs, pour Caillaux, matière à un grand procès politique. Je ne suis pas assez sûr des conseils de guerre. On pourrait l’y condamner avec sursis. Ce serait d’un bel effet !

— Oui, mais Monis démissionnera et je ne sais qui sera nommé président par la commission sénatoriale.

— Oh ! Mandel arrangera cela. Mandel est étonnant. Avec son nez de juif, il fait des gens ce qu’il veut. Il les connaît tous. C’est un vrai dictionnaire. On ne peut avoir un collaborateur plus précieux. »

Clemenceau m’explique ensuite que Foch et Pétain se seraient mis d’accord avec Pershing pour renoncer à l’amalgame par régiment et pour engager les divisions américaines en tant que divisions. Pershing aurait dit : « Vos hommes sont fatigués. Je suis prêt à les relever, mais laissez mes unités intactes ! » Et il a immédiatement offert deux cent mille hommes de plus.