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LE LENDEMAIN D’AGADIR

sables n’aient pas voulu engager une guerre au petit bonheur et attendent le moment le plus favorable pour nous… Vous auriez tort d’en vouloir au gouvernement, s’il entreprend quelque chose qui, sur le moment, ne paraisse pas très opportun aux commerçants du Maroc… Ne voyez donc pas l’avenir aussi trouble et aussi noir ; du reste, cet état de choses n’est que passager, car, après la guerre, il en sera autrement. » M. Karl Ficke, M. Nehrkorn et leurs agents poussaient donc ouvertement à la guerre ; ils n’en tiraient pas moins, tout à leur gré, les ficelles du gouvernement impérial ; du Maroc à Berlin, et de Berlin à Paris, ils mettaient sans cesse en mouvement le pauvre baron de Schœn. « Des troupes françaises, me disait-il, ont occupé des terrains dont M. Ficke est propriétaire ; la France lui doit une indemnité. — Mais il ne justifie nullement de la propriété de ces terrains ; les pièces qu’il produit ne sont pas régulièrement datées et ressemblent étrangement à des actes de complaisance. — Non, non. Le gouvernement impérial se porte garant de la bonne foi de M. Ficke. — Eh bien ! qu’il forme sa réclamation devant la justice. — C’est impossible, nous n’en finirions pas. Choisissons des experts qui régleront l’affaire à l’amiable. » Par esprit de conciliation, j’acceptais, en effet, un nouveau compromis, et finalement M. Karl Ficke recevait une indemnité transactionnelle, prélevée sur les ressources du budget local. Sans la guerre, il aurait sans doute trouvé le moyen de s’en faire allouer d’autres. Le 28 juillet 1913, le général Lyautey écrivait encore à M. Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères du cabinet Barthou : « L’hostilité de l’Allemagne demeure la règle de sa poli-