Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée
89
L’ALLEMAGNE ET LE MAROC

en effet, il n’avait pu accepter le traité du 4 novembre, ni se résigner à la perte du Maroc. Il méditait une revanche et il y travaillait avec ses nombreux correspondants d’Allemagne. Récemment encore, en dépouillant les papiers de la liquidation d’un nommé Nehrkorn, parent et fondé de pouvoirs de Karl Ficke, la gérance générale des Séquestres de guerre a trouvé une lettre adressée à cet Allemand par un sieur Windhaus, domicilié à Kiel[1]. Dès le 20 janvier 1912, ce Windhaus écrivait au représentant de Ficke : « Dans le monde maritime (ceci soit dit entre nous), on compte avoir la guerre aussitôt après l’achèvement des travaux du canal de Kiel et le lancement de gros vaisseaux actuellement en chantier, c’est-à-dire vers 1914. Ainsi que je puis conclure de mes conversations avec des officiers de l’armée de terre, celle-ci compte sur une guerre à bref délai, peut-être dans quelques mois… Je ne crois nullement que la guerre puisse nous être désavantageuse. Même si nous sommes battus sur mer, nous pouvons être certains d’avoir raison de la France avec notre armée de terre. La Triple-Alliance doit être renouvelée ces jours-ci, de telle sorte que, dans la prochaine guerre, nous retirerons un avantage de notre douteuse alliée, l’Italie… On est partout fermement convaincu que notre gouvernement n’aurait pas ainsi cédé devant la France, si nous avions été mieux préparés à la guerre, ou, plutôt, si nous avions pu supposer avec quelque certitude que la guerre nous aurait été favorable. Et je comprends très bien que les autorités respon-

  1. M. Herriot a eu l’obligeance de me communiquer cette pièce pendant qu’il était président du Conseil.