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LE LENDEMAIN D’AGADIR

ou M, de Lanken par un rire grincheux ; je n’obtenais pas la suppression d’un seul nom. Un autre jour, c’étaient des indigènes qui se révoltaient, tels que Mohammed Hiha, le caïd Guellouli, le chérif Ben Hazzaoui. Nous prenions des dispositions pour les soumettre. L’Allemagne intervenait immédiatement pour les réclamer comme protégés et pour s’opposer à notre action. Un autre jour encore, au douar des Oulad Bessam, nous arrêtions des voleurs et les traduisions en justice. « Rendez-nous ces voleurs, nous disait le gouvernement de Berlin, ce sont les associés d’une firme allemande, la maison Renschausen. — Mais vous nous avez reconnu le droit d’établir un régime judiciaire inspiré des législations européennes. — Pour le moment, la juridiction consulaire n’est pas supprimée..Nous vous demandons, en vertu de l’article 7, de renvoyer à un arbitrage le règlement de cette affaire contentieuse. — Soit, va pour un arbitrage. C’est une méthode que j’ai moi-même toujours recommandée. »

Le lendemain, comme pour me remercier de mon acquiescement, l’Allemagne s’empressait d’envoyer sur les lieux le drogman Schelinger. Il arrivait avec des allures provocantes, accompagné d’une escorte pompeuse, et déclarait à qui voulait l’entendre qu’il venait, au nom même de l’empereur, départager les autorités françaises et marocaines.

Mais le personnage qui entretenait, au Maroc, le plus dangereux foyer d’intrigues était ce Karl Ficke, qui a été arrêté en 1914 comme espion, poursuivi, condamné à mort et fusillé. On avait trouvé chez lui une correspondance qui le montrait mêlé à de véritables préparatifs de guerre. Jamais,